LA TABLE DE LA MAISON MULOT, UNE TRADITION by Fabien Rouillard

LA TABLE DE LA MAISON MULOT, UNE TRADITION by Fabien Rouillard

Longtemps les pâtissiers n’ont eu le droit de produire que des mets, sucrés ou salés, comportant une croûte : pâtés, tartes et tourtes, croustades, chaussons, friands. Après la Révolution, le système des corporations, qui réglementait les professions artisanales, ayant été aboli, ils se virent autorisés à préparer et à servir des plats dont elle était absente. Certains pâtissiers, parmi les plus en vue, en profitèrent : ainsi, sous l’Empire, le célèbre cuisinier Carême fit ses premières armes chez le pâtissier Bailly, fournisseur des « extraordinaires » de Talleyrand, c’est à dire de tous les repas exceptionnels… et ils étaient nombreux, car le ministre recevait beaucoup ! Ces pâtissiers s’étaient instaurés traiteurs (tandis qu’un grand nombre de ces derniers devenaient restaurateurs — une nouveauté relativement récente qui connaissait un énorme succès).

Depuis ses débuts, lorsqu’elle n’était encore qu’une boulangerie de quartier, la maison Mulot a toujours proposé de la pâtisserie salée, mais, au fil du temps, cette offre s’est étoffée, garnissant ses vitrines et ses comptoirs de salades, de véritables plats, en plus des tourtes et pâtés qui ont vite fait sa réputation. La boulangerie, quant à elle, a toujours existé, tant et si bien qu’il est possible, aujourd’hui, de s’y procurer un véritable repas, de l’entrée jusqu’au dessert et de l’emporter, prêt à être consommé ou presque, pour le déguster chez soi. Habitants du quartier, permanents ou occasionnels, ne s’y sont jamais trompés.

C’est cette diversité de l’offre et cette fidélité de la demande qui ont séduit Fabien Rouillard et l’ont fait s’intéresser de plus près à la fameuse pâtisserie de la rue de Seine lorsqu’il a su que Gérard Mulot souhaitait se retirer. L’attachement de la clientèle à ce que cette maison offre, comme une table toujours prête à satisfaire toutes les envies, sucrées ou salées, lui a semblé quelque chose de précieux qu’il s’efforce et s’efforcera de cultiver. Ce qui ne veut pas dire ne rien changer : comme Gérard Mulot a su faire de cette boulangerie banale une pâtisserie renommée bien au-delà de Saint-Germain des Prés, Fabien Rouillard souhaite, sans en trahir l’esprit, apporter quelques nouveautés. Mettre ainsi l’accent sur la saisonnalité des produits et la célébrer, par exemple. S’attacher davantage aux provenances. Renouer avec ses attaches lorraines en fait partie également, mais, ce faisant, il développe peut-être ce qui existe déjà, lui donnant un tour personnel : la Maison Mulot regardait vers les Vosges quelquefois…